Colloque marathon 2023

 

 

Est-ce la date de qui était mal choisie ? Le 1er avril ne fait pas sérieux ? Seulement une vingtaine de participants se sont présentés à ce colloque d’une qualité exceptionnelle. Voyez plutôt : dans les présentateurs Jérôme KORAL enseignant chercheur expert en préparation physique, Jean-Claude VOLLMER entraîneur de Morhad AMDAOUI et Hassan CHAHDI, André PISANI expert en préparation mentale et Mounir CHENNAOUI directeur de l’Institut de Recherche Biomédicale des Armées ; dans le public : Benoit ZWIERZCHIEWSKI (dit Benoit Z !) recordman d’Europe du marathon en 2003 en 2h06, Véronique BILLAT professeur en physiologie de renommée mondiale, … et des entraîneurs et athlètes comme moi. Je vous livre ici ce que j’ai retenu des présentations et échanges qui ont suivis en espérant que j’ai bien compris les explications.

Intérêts du travail de la force maximale en marathon par Jérôme KORAL :

  • Notre VO2 max est le débit maximal d’oxygène que notre organisme peut consommer, associé à l’économie de course cela produit la Vitesse à V02max appelée aussi VMA (Vitesse maximale Aérobie). La VMA est la plus petite vitesse à partir de laquelle vous consommez tout le débit d’oxygène que votre corps est capable d’absorber et transformer en énergie.
  • Le VO2max est peu variable pour un athlète en bonne santé (Certaines pathologies dégradent le VO2max, le dopage a pour objectif d’augmenter le VO2max…), par contre l’économie de course qui est le résultat de l’entraînement va faire la différence entre les athlètes comme le montre le graphe ci-dessous concernant Paula Radcliffe et une population de coureurs aux jeux olympiques :


    Au cours des années le V02max a suivi des variations diverses, alors que les techniques d’entraînement ont conduit à une augmentation régulière de la VMA (ou VVO2max) des athlètes.

  • Pour progresser, le plus efficace est d’améliorer son économie de course, c’est-à-dire la manière dont notre organisme transforme l’énergie en mouvement et vitesse. Comme le montre le graphe ci-dessous, la puissance maximale de l’athlète est plus impactée sur distance longue que sur distance courte (comme on s’y attendait…) ; mais on constate aussi que cette perte de puissance est due principalement à une perte de force plus qu’à une perte de capacité de vitesse.


    En gros : si vous perdez beaucoup de vitesse sur du long, ce n’est pas parce que votre corps ne peut plus tenir mécaniquement cette vitesse, c’est plutôt parce qu’il n’a plus la force nécessaire pour le faire. Entre deux athlètes qui ont les mêmes performances sur du court, c’est celui qui aura la capacité de force maximale qui réussira mieux sur du long.

    Sur cette argumentaire Jérôme KORAL affirme que le travail de force maximale va permettre de développer l’économie de course et que cet effet est d’autant plus important que la distance visée est longue.

  • Problème : Le travail de force par la musculation conduit généralement à une hypertrophie des muscles qui n’est pas favorable à une bonne cinétique car on prend du poids et du volume.
  • Par contre, on sait que le travail d’endurance a l’effet inverse, surtout s’il est réalisé à faible vitesse :

    Jérôme KORAL préconise un entraînement combiné de travail de force à haute intensité suivi d’un travail d’endurance fondamentale, le tout suivant un protocole bien spécifique : l’idéal est de réaliser une séance de musculation de haute intensité le matin suivie 4 heures plus tard d’une séance d’endurance aérobie. Si on met plus de récupération entre les séances, l’effet combiné s’estompe. En particulier si les séances de force et d’endurance ne se font pas le même jour, il n’y a plus du tout d’effet combiné.

  • Autre point important : Le travail de force apporte un meilleur contrôle neuro-musculaire
  • Contrairement aux idées reçues, plusieurs études montrent que les crampes ne sont dues ni à une perte de sel minéraux, ni à un manque d’hydratation mais plutôt à une altération du contrôle neuromusculaire lié à la fatigue
  • Le travail de force maximal prévient la dégradation du contrôle neuromusculaire, donc le travail de musculation est une excellente réponse aux problèmes de crampes.
  • Jérôme KORAL préconise, un travail de musculation en salle sur machine, car il est mesurable et quantifiable. Une programmation adaptée à chaque athlète peut être définie avec précision.

Véronique BILLAT apporte les éléments suivants :

  • On peut rester dans le domaine de la course à pied tout en travaillant la force (ou la puissance) maximale : les fractionnés en côtes sont tout à fait adaptés ; il faut juste avoir des parcours avec des pentes plus ou moins importantes pour régler l’intensité.
  • L’économie de course se dégrade avec le temps de course, donc plus on va lentement plus le travail sur l’économie de course sera profitable. Ainsi le travail de puissance est très efficace pour améliorer les performances des coureurs les plus lents.

     

Gestion et adaptation de la charge d’entraînement par Jean-Claude VOLLMER :

  • Jean-Claude VOLLMER met fortement l’accent sur le travail qualitatif plutôt que sur le volume. Pour lui la technique de course est primordiale, il se désole de voir les « coureurs du dimanche » qui n’ont aucune technique et ne cherchent pas à l’améliorer pour gagner en performances.
  • Le travail de haute intensité et le travail d’endurance fondamentale sont importants mais il ne faut pas négliger le travail d’allure spécifique de course pour les raisons suivantes :
    • Contrôler la technique de course
    • Habituer le corps et le cerveau
    • Connaître son ressenti à ces allures
  • Deux coureurs qui ont 15s d’écart en allure VMA ne doivent pas suivre le même programme d’entraînement.
  • Un groupe d’entraînement doit être constitué de 6 à 8 coureurs au maximum (coureurs de même niveau à 15s d’allure VMA près…)
  • A haut niveau l’entraînement est spécifique à un athlète, il tient compte non seulement des performances mais aussi de la personnalité de l’athlète
  • La charge doit être définie avec le potentiel. Beaucoup d’athlètes font trop de charge et s’usent inutilement.
  • Une bonne séance d’entraînement est une séance qui permettra à l’athlète de faire la suivante dans de bonnes conditions
  • Le meilleur moyen de mesure de la charge est le ressenti de l’athlète, il est indispensable de bien connaître l’athlète pour bien interpréter son ressenti.
  • Les séances les plus longues sont de 1h30 et uniquement en Fartlek ; exemple : 30′ à 4/km, 20′ à 3/km, 15′ à 4/km, 15′ accel de 4 à 3/km, 10′ récupération active
  • En fractionné, la séance type est 20 x 400m
  • Pour un débutant, il vaut mieux faire 3 séances de 30 minutes qu’une d’1h30
  • De nos jours un athlète de haut-niveau se fixe 10 à 12 objectifs de compétitions par an, il y a 50 ans, c’était plutôt 50 compétitions par an
  • Il ne faut pas négliger l’ego du coureur qui va beaucoup influencer sa performance : par exemple, on utilise parfois comme lièvre des coureurs sur une course qui n’est pas dans leur objectif ; ils sont sensés s’arrêter au 20ème… mais par peur de décevoir leur public, il arrive parfois qu’ils continuent la course au risque de perturber leur cycle d’entraînement.
  • Il est indispensable que l’athlète ait confiance dans son plan d’entraînement.
  • L’entraînement c’est avant tout l’art de se reposer entre les séances. La récupération est primordiale. A haut niveau on a des techniques et des moyens divers et variés, pour l’athlète de base le meilleur reste le massage.
  • L’entraînement en altitude est utile aussi bien pour des raisons physiologiques que des raisons environnementales c’est-à-dire éloignement de l’athlète de son environnement habituel et des contraintes associées.
  • J’ai posé une question pour savoir s’il utilisait la surcompensation dans les préparations, la réponse n’a pas été très claire… j’ai compris qu’il est plus un entraîneur de terrain que de théorie, que même s’il fait les plans bien préparés sans incertitudes il les construits par expérience et ressenti sans trop calculer.

Benoit Z apporte les éléments suivants :

  • Il a commencé la musculation très tôt, en faisant beaucoup de PPG
  • En préparation, il faisait beaucoup de volume à faible vitesse (parfois 200 km par semaine à 13km/h) mais le remet en question aujourd’hui à postériori
  • Il a pris l’habitude d’arrêter l’entraînement 10j avant chaque marathon depuis que suite à une contracture, il a été obligé de s’arrêter 10j avant un marathon qu’il a réussi d’une manière inespérée (2h08 record perso qu’il a battu ensuite à 2h06)

Gestion du stress et des émotions par André PISANI :

  • Une mauvaise gestion du stress est la principale cause de l’incapacité de réaliser en compétitions le niveau de performance démontré à l’entrainement. Il est impossible voire néfaste d’éviter le stress, par contre il faut le ramener dans une zone favorable.
  • Le cerveau déteste l’inconnu, il faut travailler les situations possibles par anticipation.
  • L’entraînement à l’allure marathon est indispensable pour bien gérer son stress
  • Sous le stress, le cœur accélère ; on ne sait pas commander son cœur mais on peut adapter sa respiration pour revenir à une situation normale et connue ; le cœur suivra
  • Il faut être réaliste : en marathon on veut une allure régulière alors que toutes les mesures montrent qu’à haut niveau l’allure de course est fluctuante. Il faut travailler les relances autour de l’allure marathon.
  • L’entraîneur doit gérer son stress pour ne pas le communiquer aux athlètes.

Technique de récupération et sommeil par Mounir CHENNAOUI :

  • Les premières conséquences du manque de sommeil sont 1/ les troubles de l’humeur 2/ la perte de vigilance 3/ la baisse des capacités mentales
  • C’est pendant le sommeil que les hormones de croissance et les réponses immunitaires et anti-inflammatoire travaillent. Lorsqu’on est blessé, il faut dormir plus ; de même si on manque de sommeil, la vaccination perd en efficacité.
  • Pour bien réguler son sommeil, il faut avant tout se lever régulièrement à la même heure (pas de grasse mat). Pour allonger le sommeil, il faut se coucher plus tôt.
  • Pour bien dormir, il faut une température d’environ 16° et l’obscurité complète. Ne pas prendre de douche chaude avant de se coucher.
  • Il faut compter au moins 7 j pour récupérer une « dette » de sommeil.

 

Ce colloque a été très instructif en bouleversant quelques idées reçues. La progression des techniques d’entraînement va permettre une amélioration globale des performances.

 

L’ensemble des présentations est disponible ici :


https://asft-athle.wimi.pro/shared/#/folder/c52203a7b8b01f927f1e1a46a1ad82adfcb0814282485be986e65f6418a9a054

 

Bonne lecture et à bientôt !

 

 

 


A bientôt sur les routes et chemins…


 

Updated: 4 avril 2023 — 22:51

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