Puissance et capacité lactique : complémentarité et différences

Difficile de parler d’entraînement sans évoquer le fonctionnement des filières énergétiques et difficile aussi de parler simplement de celles-ci pour être compris du plus grand nombre. C’est pourtant l’exercice que j’entreprends car il me semble que la filière lactique fait l’objet de quelques fantasmes et de discours obsolètes.

De quoi parle-t-on ?

Pour les efforts prolongés d’intensité maximale (15 secondes à 1’30) l’énergie provient essentiellement (mais pas seulement) d’une dégradation accélérée du glycogène sans intervention de l’oxygène. En physiologie on parle de filière anaérobie lactique. La mobilisation exacerbée de cette filière se heurte principalement à deux limites :

  • la vitesse des réactions chimiques pour obtenir un haut débit de production d’énergie.
  • Les filtres protecteurs de l’organisme qui freinent la possibilité de maintenir ce haut débit dans la durée.

Ces deux limites sont étroitement imbriquées mais en matière de thématique d’entraînement elles renvoient à deux types de séance : la puissance lactique et la capacité lactique.

Puissance lactique.

Vous devinez donc que le travail de puissance lactique a vocation à favoriser un accroissement du débit de production d’énergie. Pour cela il convient de confronter l’organisme à cette nécessité, par la réalisation d’efforts à intensité maximale sur des durées de 15 à 30/35 secondes. En faisant cela, on stimule l’activité des hormones chargées d’accélérer la vitesse des réactions chimiques responsables de la production d’énergie.

Capacité lactique.

Mais il est important aussi de développer l’aptitude de l’athlète spécialiste de 400m ou de 800m, à prolonger dans le temps cet effort maximal qui est perçu inconsciemment comme un danger potentiel pour l’intégrité physique de l’organisme. L’objectif du travail de la capacité lactique est donc de développer cette faculté à dépasser les filtres protecteurs qui schématiquement interviennent à deux niveaux :

  • Dans un premier temps, l’envoi de messages douloureux au niveau des muscles au travail. Chacun d’entre nous est plus ou moins sensible à ces messages. La perception de la douleur est aussi largement dépendante de l’état psychologique dans lequel on se trouve et de l’attention qu’on lui accorde.
  • Dans un second temps, une acidification vient perturber les contractions musculaires et donc altère la possibilité de maintenir le même niveau d’effort.

Les séances de capacité lactique visent ainsi à la fois le cerveau (quelle attention j’accorde à la douleur ou comment je détourne mon attention ?) et la chimie physiologique (production de substances tampon pour abaisser le niveau d’acidose.). Ces séances comportent généralement 2 à 4 efforts compris entre 35 secondes et 1’30.

Organisation de l’entraînement.

Dans ma programmation, je fais le choix d’aller de la puissance vers la capacité. Pour le travail de la puissance, la récupération est nécessairement complète afin d’autoriser une haute intensité d’effort. Ainsi, pour une séance de type 250m, 200, 150m, la récupération sera généralement de 25′ et 20′ (marche et exercices de maintien de la vigilance). Mais le danger ici est le refroidissement musculaire et les risques qu’il sous-tend. Alors quand il fait froid, je réduis les temps de récupération, la séance bascule vers de la capacité lactique, les athlètes vont moins vite, mais du coup sont moins exposés aux risques de blessures. Pour les séances de capacité, la récupération peut être un peu moins longue. Des études ont montré qu’après un effort de ce type le niveau d’acidose était le plus élevé après 7 à 8 minutes. Personnellement je choisis des temps de récupération compris entre 8 et 15 minutes en fonction des athlètes et des objectifs recherchés. Exemple : 500m 400m 300m avec 15 minutes de récupération passives d’abord (afin de maintenir l’état d’acidose) puis active pendant 10 minutes (marche pour favoriser le retour veineux). Dans la phase de compétitions, je reviens souvent vers la puissance lactique mais il ne s’agit pas ici d’une règle absolue. Le principe est plus de répondre aux besoins des athlètes. Ainsi, lorsque les fins de course ne passent pas, c’est certainement plus la capacité lactique qu’il convient de réinvestir.

Au-delà du langage de terrain.

On entend très souvent des athlètes ou des entraîneurs dire que l’acide lactique est responsable de tous les maux associés à la sollicitation de cette filière anaérobie lactique. Les connaissances aujourd’hui disponibles ont montré qu’il n’en était rien, au contraire. L’acide lactique est un intermédiaire métabolique réutilisé pour produire de l’énergie. Les champions en produisent plus que la moyenne. Le problème c’est l’acidose et la perception de la douleur. Un entraînement bien conduit rend capable de supporter tout cela.

Thierry Maquet

Updated: 17 avril 2015 — 09:23

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